Genève // Black Movie Film Festival 2013 – I film

Dead Sushi, Noboru Iguchi

Uno tra i festival più interessanti, il Black Movie Film Festival di Ginevra offre 10 giorni da cinevori con particolare attenzione ai talenti emergenti e a opere non distribuite in Svizzera.
Fieramente opposto agli standard del cinema contemporaneo, Black Movie è saldamente ancorato al mondo di oggi, di cui offre un riflesso dei suoi movimenti estetici e sociali attraverso un approccio tematico in 6 sezioni.
La sua prossima edizione si terrà dal 18 al 27 gennaio 2013.
Non mancheranno delle super master class con Carlos Reygadas, Hong Sangsoo et Kim Kyung-mook. Numerosi registi accompagneranno le loro opere nei giorni del festival.

 

Black Movie 2013

10 jours cinévoraces

Du 18 au 27 janvier prochain, Black Movie s’entiche d’une méduse pour batifoler dans les eaux fraîches du cinéma d’auteur international. Le festival ouvre la saison culturelle 2013 façon pêche miraculeuse : dans ses filets grouillent opus rares et films mutants.

LES FILMS

 

LA BALADE SAUVAGE

3
Pablo Stoll Ward (Uruguay)

Une lycéenne fauve en pleine montée d’hormones forme un duo exclusif avec sa mère. Son père remarié mais nostalgique tente vainement de reformer leur trio.
On ne peut que succomber au charme farouche de la jeune héroïne de 3 dans ce vaudeville tendre où la dérive familiale finit en comédie musicale.
Pablo Stoll et Juan Rebella deviennent en 2001, avec leur premier long-métrage 25 Watts, les porte-drapeaud du nouveau cinéma uruguayen. Ils récidivent avec succès en 2004 avec Whisky qui rafle le Prix Un Certain Regard à Cannes. Après la mort tragique de con collaborateur, Pablo Stoll revient en 2011 en portant son deuil à l’écran dans le délicat Hiroshima, présenté cette même année à Black Movie. Il poursuit désormais sa route en solo avec 3, chronique familiale inspirée d’un scénario ébauché jadis par son complice.
« Pour moi, la famille est une source inépuisable de comédies et de drames. Dans 3, j’ai voulu la filmer en faisant ressortir cet humour qui régit bien souvent nos actes quotidiens. L’idée de départ ? Un homme qui retourne dans son foyer après dix ans d’absence », explique le cinéaste. (source RFI)

All Apologies
Emily Tang (Chine)

Dans la Chine de l’enfant unique, Zhuang et Yaya, bien que voisins, ne semblent pas promis au même destin. Lorsque Zhuang est tué dans un accident de la route, son père, soucieux de s’assurer une descendance,
va sceller son sort à celui de la famille du chauffard, qui n’est autre que son voisin.
All Apologies assume son héritage mélo des années 50’, auquel Emily Tang ajoute une touche subtile de noirceur.
All Apologies est le troisième film de Xiaobai Tang, rebaptisée Emily. Après un premier long métrage intitulé Conjugation (Black Movie 2007), son deuxième film Perfect Life fut sujet de controverse au Festival de Melbourne de 2009 car retiré de la compétition par son producteur Jia Zhangke (sujet d’un rétrospective à Black Movie 2007) comme acte de protestation contre la présence de l’activiste Rebiya Kadeer au Festival.
Ce dernier avait en effet programmé The 10 conditions of Love, un autre documentaire américain sur l’activiste Uyghur, figure hautement controversée en Chine. L’excellent documentaire chinois Petition de Zhao Liang (Black Movie 2010) avait d’ailleurs été retiré pour le même motif.

Black Dove
Gyeong-tae Roh (Corée du Sud)

La voiture d’un couple petit-bourgeois percute une jeune femme et sa petite fille. En l’absence de témoins, le couple fuit le lieu de l’accident sans rien dire à personne. Leur culpabilité grandissante va les conduire
irrémédiablement vers un dénouement cathartique qui donne la chair de poule.
Black Dove est un complexe et brillant examen du sentiment de culpabilité dans une mise en scène énigmatique et tranchante.
Gyeong-tae Roh, suivi depuis ses débuts par Black Movie, obtient un diplôme en ingénieurie industrielle en Corée, puis devient courtier en bourse. Voulant devenir autre chose qu’un requin de la finance, il plaque tout pour s’expatrier, s’épanouissant alors dans des études de cinéma à Chicago puis à l’Art Institue de San Francisco. Après quatorze courts métrages, son premier long, The Last Dining Table (Black Movie 2007) le propulse dans de nombreux festivals (Busan, Locarno, Sundance, Rotterdam), suivi par un second, Land of Scarecrows (Black Movie 10). Black Dove, dans sa noirceur inquiétante et tout aussi stylisée, est le troisième long métrage d’un des cinéastes coréens contemporains les plus expérimentaux.

Dead Sushi
Noboru Iguchi (Japon)

Formée durement à l’art du sushi par son papa maître en la matière, une jolie tête de linotte fuit la maison et trouve du travail dans un grand hôtel. C’est là qu’elle va devoir sauver l’humanité attaquée par une armada de sushis assoiffés de sang.
Le rôle principal est tenu par la jeune prodige en arts martiaux Rina Takeda et les effets spéciaux sont signés par ce farceur de Nishimura : gore, sushi gore !
Les effets spéciaux de Nishimura ont fait couler les litres de sang de la collection gore japonaise Sushi Typhoon, à l’honneur l’année dernière au festival. Présent alors pour présenter ses films, Nishimura avait annoncé entre deux blagues de couloir la production prochaine de Dead Sushi, par l’un de ses acolytes, Noboru Iguchi. Ce prolifique réalisateur japonais est connu pour avoir récemment signé Mutant Girl Squad (coll. Sushi Typhoon) mais aussi bon nombre de films pornos (dont Final Pussy qui gagnait le Prix de la Meilleure Vidéo à Louer aux SOD Awards, avec la célèbre Nana Natsume). Avec un bémol d’absurdité revigorant, Dead Sushi trouve toute sa place dans le bestiaire sauvage de cette programmation 2013. Mention spéciale pour le sushi-omelette, touchante victime de bullying par ses potes sashimis sans vergogne!

El muerto y ser feliz
Javier Rebollo (Espagne/Argentine)

Un ancien tueur à gages sait que ses jours sont comptés. Plutôt que d’attendre la mort à l’hôpital, il se munit d’une bonne réserve de morphine et se trouve une compagne pour faire la route avec lui. Des liens étranges se nouent entre ces deux protagonistes qui n’ont rien à perdre.
Road-movie aux décors pittoresques et à la mise en scène improbable qui fait mouche.
Le troisième film de ce réalisateur espagnol né en 1969 fait suite à La mujer sin piano (2009) et Lo que sé de Lola (2006). Son travail est inséparable de celui de Lola Mayo (acolyte/muse de longue date), scénariste de tous ses films et donc de ses « dialogues qui semblent si naturels et chargé à la fois d’une grande force poétique. De Lola vient aussi ce goût pour les petits personnages et les petites insignifiances de la vie quotidienne » explique Rebollo. Le tandem Rebollo-Mayo est également célèbre pour ses documentaires télévisuels et pour de nombreux courts métrages, variations sur un même personnage et une actrice, Lola Duena. Rebollo s’est distingué ces dernières années en revendiquant le court métrage comme un genre propre du cinéma et non comme un parent pauvre du format long, ou un passage obligé.

Fogo
Yulene Olaizola (Mexique/Canada)

Sur une île pelée du nord-ouest canadien, la nature a repris le dessus après le départ progressif des habitants.
Seule une poignée de sexagénaires continue d’y vivre heureux comme des poissons dans l’eau, savourant le whisky distillé par leurs soins jusqu’à la dernière goutte. Fiction à la lisière du documentaire dont la virtuosité de l’image et le charme mystérieux rappellent ceux de Liverpool de Lisandro Alonso.
Les protagonistes du deuxième film de cette jeune réalisatrice mexicaine sont tous de réels autochtones de l’île de Fogo au Canada, qu’elle a rencontré sur ce terrain à la dérive. Yulene Olaizola voulait parler d’un endroit « en sursis ». Elle rencontre l’un des protagonistes du film, qui devient un ami puis un véritable guide dans les nombreuses semaines passées dans la nature. Petit à petit l’idée du film s’impose et les dialogues commencent à s’improviser, dessinant cet hybride contemplatif entre documentaire et fiction. La question de l’attachement au territoire est centrale : rester ou partir malgré l’hostilité néanmoins magnifique des lieux laissés à l’abandon par le gouvernement canadien. La caméra s’attache à ces derniers héros ordinaires, ceux qui ont préféré rester seuls plutôt que de partir chercher une vie peut-être meilleure. La relation des autres avec la nature, (et non la sienne précise-t-elle) est centrale dans tout le travail d’Olaizola.
Son prédécent long métrage de fiction, Artificial Paradises, parlait de la rencontre inédite entre une jeune scientifique de 25 ans et un paysan de 65 ans, qui ont tous deux trouvé à leur manière dans la drogue un moyen de s’évader d’une réalité trop sclérosante.

Joven y alocada
Marialy Rivas (Chili)

Daniela ne pense qu’à ça. Sur son blog, elle exhibe ses fantasmes d’adolescente libidineuse élevée dans une famille bigote. Après son renvoi de l’école, elle va convertir à sa religion charnelle un jeune homme vierge et une jeune tigresse, dans un triangle amoureux clandestin et éphémère.
Inspiré par les frasques d’une véritable blogueuse repérée par la cinéaste, Joven y Alocada revisite le teenage movie façon 21ème, audacieusement porté par la séduisante colombe Alicia Rodriguez. Joven y alocada (« Jeune et sauvage ») porte bien son nom. Ce premier long métrage de la chilienne Marialy Rivas, très remarqué au festival de Sundance, est né de l’attraction de la réalisatrice pour le mélange entre l’aspect sexuel très explicite et la tendresse du blog d’une certaine Camila Gutierrez. Le scénario a été écrit àsix mains entre la jeune blogueuse, Marialy Rivas et Pedro Peirado, scénariste du très bon The Maid, avec la volonté de transposer à l’écran le dynamisme du blog. Sexualité, désir, religion et rapport de genres se croisent dans une mise en scène rafraîchissante.
« Je suis tombée amoureuse de ce blog et tout s’est développé à partir de là. Et lorsque je regarde maintenant le film, je me rends compte qu’il parle de le sexualité féminine. Le film dit que nous aimons nous aussi le sexe. » (Marialy Rivas interviewée au Festival Pink Screens par N.Gilson)
Marialy Rivas a obtenu une bourse du Sundance Lab et travaille actuellement sur un nouveau projet de film, La Princesa.

Juvenile Offender
Kang Yikwan (Corée du Sud)
Prix Spécial du Jury & Prix du Meilleur Acteur au 25ème Festival International du Film de Tokyo.

A sa sortie de centre de détention pour mineurs, Ji-Gu, jeune chien fou, atterrit dans les bras immatures de sa maman qu’il croyait morte. Incapable de s’occuper de lui, la jeune femme va tisser un lien déséquilibré mais plein d’amour avec ce grand fils encombrant.
Portrait hivernal et naturaliste de deux stigmatisés d’une société coréenne rigide et moraliste qui ne tolère aucun faux-pas.
Pour mieux apprendre et comprendre les jeunes du centre de détention juvénile, le réalisateur a obtenu un permis temporaire qui l’autorisait à passer du temps au centre, en suivant leur quotidien. Il a du garder le strict secret sur tout ce qu’il avait pu constater et voir dans les murs de l’institution. Obtenir l’autorisation de filmer a été un parcours du combattant pour convaincre les autorités sur place et l’équipe s’est immergée au rythme des détenus.
Juvenile Offender, deuxième long métrage du réalisateur, a été co-produit par la Commission Nationale des Droits Humains de Corée qui souhaitaient produire un film sur les questions de la maternité adolescente et de la délinquance juvénile.
« Les jeunes en détention criminelle que j’ai rencontré pendant la période de répérage et d’écriture du script avait les mêmes complexes et la même timidité que n’importe quel ado mais ils étaient par contre dépourvus de la défiance et de l’indulgence caractéristique de cet âge. Ils avaient particulièrement besoin d’attention et souhaitaient parler. Cette histoire a commencé avec leurs visages. » (Kang Yikwan)

L
Babis Makridis (Grèce)

L’homme vit dans sa voiture et gagne sa vie en transportant des pots de miel pour un patron qui supporte malses retards répétés. Lorsqu’il ne travaille pas, il roule encore, accompagné du fantôme de son meilleur ami, tué par un ours. De temps à autre, il fait un tour en bagnole avec ses enfants qui lui sont devenus étrangers.
Cette fable absurde et sèche met en circulation différentes questions essentielles: son meilleur ami a-t-il été tué par l’ours propriétaire du miel ? La moto est-elle un mode de transport supérieur à l’automobile ? La Grèce est-elle en roue libre ?
Un cinéma grec en crise mais ô combien créatif était à l’honneur de Black Movie l’an passé. Dans le sillage des films qui y trônaient, comme Canine, Alps ou Attenberg, L est le nouveau rejeton de cette veine indépendante singulière. L partage d’ailleurs non seulement un co-scénariste avec Canine en la personne de Efthymis Filippou, mais aussi cette froide étrangeté qui apparaît clairement comme le reflet d’une angoisse archaïque, sous forme de parabole.
« L’idée, c’était de faire un road movie immobile » (Babis Madrikis au 1er Festival du Film Indépendant de Bordeaux)

Les chevaux de Dieu
Nabil Ayouch (Maroc)

Yachine vit dans l’ombre de son frère Hamid, connu comme le loup blanc dans le quartier. Ses nombreux larcins permettent de faire vivre toute sa famille. A sa sortie de prison des années plus tard, Hamid a complètement changé et va entraîner son petit frère dans sa chimère islamiste.
Sur un mode romantique et poignant, Nabil Ayouch s’est inspiré librement des attentats commis à Casablanca en avril 2003, commis par 30 jeunes martyrs venant tous du même quartier défavorisé de la ville.
Sélection Un Certain Regard à Cannes 2012, Les chevaux de Dieu est le cinquième long métrage de Nabil Ayouch. Son premier court métrage Les pierres bleues du désert révèlait notamment Jamel Debbouze en 1992.
Il sort en 2011 son premier documentaire, My Land, tourné au Proche Orient.
Son film Ali Zaoua a gagné le Prix du Public à Black Movie en 2002.
Attaché personnellement au bidonville de Sidi Moumen pour y avoir tourné par le passé, Ayouch a été très choqué par les attentats de 2003, traumatisme énorme au Maroc au vu de la jeunesse des gamins qui l’ont perpétré. Regrettant à l’époque de s’être précipité sur place pour un court métrage trop imcomplet sur le vif, Ayouch est revenu sur les lieux des années plus tard de manière quasi anthropologique pour mieux s’emparer de son sujet et en extraire des choix narratifs plus libre. Les chevaux de Dieu est le résultat fictionnel de ce décryptage et tire son titre d’un bout de texte sur le Jihad à l’époque du Prophète : « Volez chevaux de Dieu et à vous les portes du paradis s’ouvriront ». Cette phrase a été reprise plusieurs fois dans la terminologie djihadiste moderne, notamment par Ben Laden et des prêches télévisées, affirme le réalisateur.

Light in the Yellow Breathing Space
Vimukthi Jayasundara (Sri Lanka)

Au siècle passé, un scientifique développe un principe liant la théorie de l’évolution avec celle de la réincarnation. Sentant son dernier jour arriver, il emmène son petit garçon dans la jungle, remplie d’étranges créatures mutantes. Glissant subrepticement vers le fantastique, les corps se métamorphosent et les humains flirtent avec les dinosaures.
Vimukthi Jayasundara accomplit, une fois encore, un film onirique et libre à la plastique surprenante et combien réjouissante.
Marquant Black Movie 2012 de sa présence l’an dernier avec l’hypnotique Chatrak, ce nouveau film du srilankais Vimukthi Jayasundara est une commande du Festival de Jeonju en Corée, qui sélectionne chaque année trois réalisateurs pour produire une collection de courts. Eric Khoo, Tsai Ming Liang, Naomi Kawase ou encore Apichatpong Weerasethakul ont par le passé fait partie du Digital Project. Ici, la parabole de transmission entre un père et un fils plonge le spectateur au coeur de la forêt et de l’Histoire. Passé par le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, la touche expérimentale de Jayasundara fait de lui un des réalisateurs les plus remarquables du moment sur le continent sud asiatique.

Odayaka
Nobuteru Uchida (Japon)

Dans une banlieue de Tokyo, deux voisines, une femme au foyer sans enfants (Yukako), et une jeune mère que son mari vient de quitter (Saeko), sont les seules à s’inquiéter des conséquences de la catastrophe de Fukushima sur la santé. Au-delà de la chronique d’une terrible catastrophe, le film dépeint une réalité plus terrible : la dévastation intérieure alors que les deux héroïnes se trouvent violemment ostracisées à cause de leurs interrogations jugées inadéquates.
Ces femmes aux nerfs malmenés sont filmées au plus près de leur hystérie dans un mélo qui met en évidence les incroyables spécificités culturelles japonaises, rappelant le Bashing de Kobayashi.
Odayaka est le troisième long métrage de Nobutero Uchida. Sa précédente fiction, Love Addiction remportait en 2010 le Grand Prix du Tokyo FilmEx Festival. Après avoir entamé une carrière de peintre, Uchida se tourne vers le cinéma documentaire puis réalise son premire long métrage de fiction, Kazaana, en 2007. Le titre original de ce nouveau film sur fond de traumatisme irradié signifie ironiquement en japonais « paisible vie quotidienne ». Avec un budget très minimal et une mise en scène épurée, Uchida réussit avec Odayaka un film poignant et remarquablement interprété par Kiki Sugino et Yukiko Shinohara. A noter (dans un rôle plus secondaire mais une présence toute aussi saisissante) le regard fusillant de Makiko Watanabe, actrice régulière des films de Sono Sion ou de Masahiro Kobayashi qui joue ici une mère liguée contre la jeune Saeko.

Postcards from the Zoo
Edwin (Indonésie)

Lana ne connaît du monde que le zoo de Jakartha dans lequel elle a grandi. Sous le charme d’un cow-boy cool et magicien, elle le suit à l’extérieur du parc pour devenir sa squaw. Naïve et rêveuse, Lana semble épargnée par la laideur du monde malgré les épreuves sur sa route.
Facétieux comme un singe, lent comme un hippopotame mais gracieux comme une girafe, Postcards from the Zoo poétise, mêlant zoologie et romance dans un film hybride entre l’univers de Pen-ek Ratanaruang et celui du mangaka Hayao Myiazaki.
Poscards From the Zoo est de ces films oniriques qui continuent insidueusement à habiter la mémoire après coup. L’expérience du réalisateur indonésien dans le court métrage et le vidéo clip, lui a donné des outils pour
trouver rapidement une image forte : ses films sont décomposés en saynètes pouvant rappeler des cartes postales. Le précédent film d’Edwin, Blind Pig Who Wants to Fly (Black Movie 2010), fut projeté au MOMA de New York dans le cadre des Contemporasian Series, avec cette patte éclatante et par moments surréaliste. Dans ce nouvel opus il pousse encore les décalages grâce à l’espace déroutant d’un zoo.
« Pour moi le zoo est un lieu de nostalgie. Pour les gens qui y travaillent, les visiteurs, et les animaux, qui devraient en fait être ailleurs. Tous sont des déplacés. Peut-être que leur instinct naturel leur fait se demander si ils sont bien au bon endroit. Mais personne ne peut vraiment répondre à cela. Ils sont là depuis leur naissance, mais, instinctivement quelque chose cloche. Un peu comme pour Lana qui a grandit dans le zoo, dont la nostalgie se développe dans la seconde partie du film. » (Edwin pour filmcomment.com)
Les réalisateurs dont il aime suivre le travail : « Un Kim Ki-duk ou un Hong Sangsoo extrêmement complexe dans sa simplicité. Les réalisateurs coréens sont époustoufflants. »

Ship of Theseus
Anand Ghandi (Inde)

Une jeune photographe aveugle, un moine bouddhiste malade et un jeune entrepreneur au foie déficient, se trouvent confrontés à une crise majeure, lorsqu’ils ont la possibilité de guérir grâce à un don d’organe.
Le film explore avec beaucoup d’ingéniosité visuelle et narrative le paradoxe du navire de Thésée : interrogation sur le fait de savoir si tous les éléments d’un même objet une fois séparés, continuent ou non d’appartenir dans leur essence à l’objet d’origine.
Fable dense et moderne sur des questions d’éthique, de mystique mais aussi sur les paradoxes de l’Inde du 21ème siècle.
Anand Ghandi est réalisateur, metteur en scène au théâtre et artiste, très sensible à la philosophie, la magie et la psychologie évolutive. Ship of Theseus est son premier long métrage. Il a créé sa propre structure de production, Recyclewala Films, afin de propulser des talents émergents et des films engagés.
«Tu penses que tu es une personne mais tu es une colonie. C’est une phrase d’un des personnages et une idée centrale dans mon film. Un individu est en vérité une colonie de milliards de microbes, et le corps est fait de plus de bactéries que de cellules. L’ADN est influencé et façonné par son environnement. Dans un sens, il ne serait pas totalement incorrect de dire que l’ADN contient toutes les informations de son environnement. En ce sens, une cellule vivante porte aussi une information évolutive tout entière.»
(Anand Ghandi)

Sofia’s Last Ambulance
Ilian Metev (Bulgarie)

Ils sont trois au volant d’une des treize ambulances subsistant à Sofia. Ils foncent de jour comme de nuit à travers la capitale pour sauver des vies. Héros improbables accomplissant un travail de Sisyphe, on se demande pour combien de temps encore ils avaleront des couleuvres sans broncher.
Evoquant les personnages tabagiques et désabusés de Jim Jarmush, le trio d’ambulanciers est tout simplement irrésistible.
Les dialogues de ce deuxième film du trentenaire bulgare Ilian Metev donnent l’impression d’avoir été écrits tant ils sont cinématographiques. C’est un parti pris du réalisateur qui a tourné sur une période de deux ans, pendant laquelle rien n’a été mis en scène. Metev explique que les membres de l’équipe de tournage se positionnaient un peu comme des chasseurs, extrêmement patients et intuitifs, obsédés par le désir de capturer la « pureté de la réalité », les magic moments, l’image qui raconte tout sans « vouloir dire ». Le dispositif d’attention permanente aux trois protagonistes en lien avec leurs patients (ces derniers toujours hors-champs), permet d’accéder à une intensité dramatique et une complexité des personnages, une imprévisibilité toute humaine, renforçant cet effet fictionnel.
« Maintes et maintes fois, j’ai été témoin des absurdités d’un système de santé sur le point de s’effondrer. Ce qui m’a frappé, c’est que dans un environnement qui rend les gens de plus en plus durs, qui les corrompt moralement, de façon très matérielle, il reste toujours quelques esprits pour transcender les circonstances. Je voulais répercuter cette image de la Bulgarie de nos jours avec toutes ses contradictions, montrer quelque chose de positif dans un contexte qui semble se désagréger. Le film est dédié aux ambulanciers qui font un travail dont personne ne veut, qui pleurent d’un oeil et rient de l’autre.» (Ilan Metev)

Solution
Kim Gok & Kim Sun (Corée du Sud)

Solution, l’émission de télé-réalité qui trouve une solution à tous les problèmes de son public, semble sécher devant le cas de ce garçon qui mange exclusivement les cacas de sa famille. Psys et sociologues restent dubitatifs devant l’explication donnée par une shamane hystérique débordée à son tour par des flots de matières fécales…
Les frères Kim, connus pour leur sens de la provocation potache et pour leur fantaisie, signent dans ce film une charge comico-scatologique contre une certaine idée de la famille, de la censure en Corée du Sud et de la télévision.
Solution est une commande du Jeonju Film Festival qui fait partie d’une nouvelle série limitée dédiée à produire des films courts et comiques (Short ! Short ! Short !)
L’un des deux frères jumeaux coréens, Kim Gok, avait marqué les esprits avec son éprouvant Exhausted (Black Movie 2011), qui remportait le Grand Prix du Festival du Film Indépendant de Séoul en 2008.
Auteurs de divers courts (Self Referential Traverse, Digression/Degression) et d’un autre long métrage en collaboration, Anti Gas Skin (2010), les frères Gok se sont établis à l’avant-garde du cinéma d’art indépendant en Corée. Brouillant les pistes, ils viennent de réaliser tout récemment leur premier long métrage commercial, un film d’horreur intitulé The White : the Melody of the Curse.

When Night Falls
Ying Liang (Chine)
Prix du Meilleur Réalisateur à Locarno et Prix de la Meilleure Actrice pour An Nei (la mère)

Arrêté pour le vol d’un vélo, Yang Jia est tabassé par la police. Cherchant en vain à obtenir justice, il entre dans un commissariat pour y perpétrer un massacre. Sa mère est d’abord internée en hôpital psychiatrique pendant des mois en guise de représailles avant de prendre patiemment sa défense, espérant le sauver de sa condamnation à mort. Basé sur des faits réels, le film, qui a valu l’exil à son auteur, relate sous une forme austère et elliptique un véritable drame politique, porté par l’interprétation léonine de l’actrice principale.
Le film de Ying Liang fait également partie de la collection Jeonju Digital Project 2012, aux côtés du film de Vimukthi Jayasundara cité plus haut. Fasciné par le (dys)fonctionnement de la loi en Chine, le premier film de Ying Liang, The Other Half (2006) traitait déjà de politique en racontant le chaos bureaucratique ambiant qui règne sous la surface apparente de la législation officielle provinciale.
« Dans cette série de faits réels, celle qui sort du lot est la mère de Yang Jia. Son charme, son courage et sa persévérance m’ont frappé. Avec ce film, je lui rend hommage, dans l’espoir que justice soit rendue à son fils et à cette période que nous vivons.»
(Ying Liang)

Year Without a Summer
Tan Chui Mui (Malaisie)
Prix du Meilleur Réalisateur à Locarno et Prix de la Meilleure Actrice pour An Nei (la mère)

De retour de Kuala Lumpur, Azam revient dans son village natal sans avoir trouvé la paix de l’âme. Il retrouve Ali et sa femme et s’embarque pour une partie de pêche nocturne en leur compagnie. Sous la lumière ravissante de la lune, se sentant pousser des branchies, les amis décident de jouer à retenir le plus longtemps possible leur souffle sous l’eau. Mais Azam ne remonte pas.
Tourné dans le petit village de pêcheurs dans lequel la réalisatrice est née, le film mêle avec douceur le rêve, la nature et la légende.
Tan Chui Mui, déjà réalisatrice de Love Conquers All (Black Movie 2007) est une jeune cinéaste clé de la relève du cinéma malais de cette dernière décennie, aux côtés de réalisateurs indépendants tels que Amir Muhammad, James Lee ou Ho Yuhang, qui ont également obtenu une reconnaissance à l’étranger. Dans ses films, la caméra est patiente, fine et intime.
« J’ai sans doute oublié de vous dire, je suis assez obsédée par la connaissance inutile. Quand j’avais 12 ans, je lisais les encyclopédies de bout en bout. J’ai d’ailleurs trouvé le titre Year Without a Summer sur Wikipédia. C’était 1816 et il n’y eu pas d’été cette année là. Dans certains coins d’Amérique ou de Chine, il y eu même des chutes de neige en plein été. J’imagine que les perturbations climatiques ont dû agiter les peurs et les confusions à cette époque. Les cultures mourraient, le ciel était souvent orange, la famine et les guerres étaient légion partout. Des années plus tard, des scientifiques pensent que les anomalies climatiques furent causées par les éruptions de 1815 du Mont Tambora en Indonésie, la plus grande éruption sur 1600 ans. Mon film ne traite pas d’éruptions volcaniques, ni de bizarreries climatiques. Mon histoire traite de comment les gens vivent, sans savoir trop ce qui leur est arrivé. D’une certaine façon, mon film traite de l’histoire de la tristesse. » (Tan Chui Mui)

TOUS LES GARÇONS S’APPELLENT JOÃO

Rafa, João Salaviza

 

A ultima vez que vi Macau
João Pedro Rodrigues & João Rui Guerra da Mata (Portugal)

Depuis la jungle noctambule de Macao, Candy, chanteuse de cabaret, appelle un vieil ami à l’aide. Narrateur omniscient que l’on ne verra jamais, il va devoir se dépatouiller dans un sombre trafic d’hommes transformésen oiseaux.
Hybride entre film noir désincarné et documentaire à la photo chatoyante, prétexte plaisant pour nous faire visiter Macao dans un jeu du chat et de la souris énigmatique et historique.
La veine asiatique n’est pas nouvelle dans le travail en commun des deux partenaires. Un premier court intitulé China, China (2007) explorait les communautés chinoises de Lisbonne. Après le premier volet Alvorada Vermelha (2011, cité plus haut) le duo joue davantage encore des genres avec A Ultima Vez que vi Macau, croisant l’essai documentaire, le journal intime, ou encore le polar noir sur ton lyrique, non sans rappeler la bande dessinée. Une sorte de voyage inachevé, à la recherche d’un personnage en détresse que le protagoniste (en voix off) ne retrouve jamais, dans une ville labyrinthique et revisitée d’un autre oeil. Ce film est le développement d’Alvorada Vermelha, une forme en constante métamorphose sous nos yeux, transgenre au sens propre comme au figuré : il utilise les mêmes ingrédients fantasmagoriques, par touches de rappel, brouillant d’autant plus les pistes entre réalité et fiction, passé et présent, cinéma européen et classique hollywoodien, masculin et féminin.
« Le film Macao de von Sternberg a été notre point de départ : il commence par des images documentaires de la ville mais la suite du film est entièrement tournée à Hollywood. Nous voulions faire l’exacte opposé : tourner sur place mais en réinventant complètement le lieu. Il se trouve par un étrange hasard que Jane Russell, la star de la version de von Sternberg, est morte pendant notre propre tournage, ce qui résonnait parfaitement avec l’aura très 40’s/50’s de Cindy Scrash, l’actrice qui joue Candy dans notre film. » (Joao Pedro Rodrigues pour Slant magazine)

Alvorada Vermelha
João Pedro Rodrigues & João Rui Guerra da Mata (Portugal)
Prix du Meilleur Court Métrage portugais-IndieLisboa 2011

Le premier se destinait à l’ornithologie, le second a passé son enfance à Macao : ensemble, ils réalisent un film mutant entre documentaire contemplatif et glamour hollywoodien au coeur du marché de la viande et du poisson de la ville, où l’on choisit sa bête vivante.
Petit bijou sans dialogue, ce court métrage est réalisé à quatre mains par deux réalisateurs phares du cinéma portugais qui travaillent ensemble de longue date. Il constitue le premier volet d’un dyptique qui célèbre l’île de Macao, lointaine et ancienne colonie portugaise (cf au-dessus, A Ultima vez que vi Macau). Quelques détails récurrents comme cet unique talon aiguille perdu sur le bitume mouillé s’insinuent comme des indices ou des fils rouges tendus entre les deux films, rappelant l’onirisme de polars lynchéens. Plusieurs ficelles sont subtilement tirées, comme autant de références en hommage aux marchés de Macao (certaines images du marché sont les mêmes que l’on retrouvera dans la deuxième partie) ou au film homonyme de 1952 (Macao : Le Paradis des Mauvais Garçons, de Josef von Sternberg et Nicholas Ray) dont feu l’actrice Jane Russell était l’actrice principale. Celle-ci est ressuscitée par les réalisateurs, batifolant en joyeuse sirène au milieu de poissons équeutés.
« João Rui Guerra da Mata, mon co-réalisateur, vivait à Macao dans son enfance. Il est parti en 1975, après la révolution du Portugal. Ses histoires à propos de l’île sonnaient comme des fictions, des aventures, puisqu’elles étaient des mémoires d’enfant. Personnellement je connaissais Macao par le film homonyme, la littérature, et la colonisation portugaise. J’avais donc une idée fictionnelle et le film est né de la confrontation de ces deux fictions : celle de Joao et la mienne. » (Joao Pedro Rodrigues pour Slant Magazine)

Aquele querido mês de agusto
Miguel Gomes (Portugal)

Une équipe de cinéma tourne un mélodrame un peu laborieux dans la région dépeuplée d’Arganil. Faute de budget, les acteurs désertent le plateau. Qu’à cela ne tienne, le réalisateur engage les vacanciers du coin et la fiction bascule vers le documentaire, avant de se métamorphoser une nouvelle fois en fiction. Miguel Gomes porte un regard tendre sur ses compatriotes en villégiature, les bals populaires, les processions religieuses, les fanfares, les campings et les chansons d’amour tragiques. Bijou de cinéma imbibé d’indolence aoûtienne.
Ce cher mois d’Août (Aquele querido Mês de Agusto) est le second long métrage de Miguel Gomes, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes en 2008, après La gueule que tu mérites (2004) et un certain nombre de courts métrages. Il a été tourné dans la région Centre du Portugal, où le réalisateur a passé son enfance. Il l’a réalisé en hommage à l’été, période charnière entre l’euphorie exacerbée et le retour des gens exilés par leur travail. C’est en filmant les lieux à la recherche des acteurs que Miguel Gomes a trouvé d’autres histoires, des légendes miniatures qu’il a entrecroisées et mises en scène.
« La vie n’est pas toujours simple, mes amis ! En juillet 2006, une petite calamité survient. Le tournage du film, prévu pour le mois suivant, est reporté à une date incertaine. Il manque de l’argent à la production pour un scénario exigeant d’être tourné à l’intérieur du Portugal pendant les fêtes du mois d’août, et des options de casting du réalisateur. Rapidement remis du choc, celui ci décide de partir sur le terrain avec une caméra 16 mm et une équipe composée de cinq éléments – petite mais brave ! – et filmer tout ce qui lui semblait digne d’être enregistré, se compromettant à recomposer la fiction en conformité. Cette histoire et les autres qui l’ont suivie vous pourrez les retrouver dans le film ; bien que, par amour de la vérité, on se doit de reconnaître que les apparences sont trompeuses et que certains réalisateurs ont une tendance à la mystification. » (Note d’intention de Miguel Gomes)

Cama de Gato
Filipa Reis & João Miller Guerra (Portugal)
Prix du Meilleur Film Court Portugais à IndieLisboa 2012

Joana est une môme cash et mutine. Elle passe ses journées à parler à tort et à travers, à faire l’andouille avec ses copines, à supporter les griefs de ses parents, et du haut de ses dix-huit ans à s’occuper seule de son bébé.
Tout comme dans la vie réelle de Joana qui a inspiré le duo de réalisateurs, on pleure et puis on rit dans ce petit bijou de film beaucoup plus essentiel qu’il n’y paraît de prime abord.
Cama de Gato est à la fois un jeu de ficelles pour les enfants, auquel s’amusent les protagonistes dans une scène du film, le 4ème roman de l’américain Kurt Vonnegut, mais également le troisième soap opera le plus célèbre au Brésil, pays des telenovelas. Dans ce premier film de fiction du duo Reis/Miller Guerra au ton très vif et à la cinématographie quasi documentaire, l’héroïne est aux prises avec les contradictions entre son âge, ses désirs d’adolescente et sa condition de jeune fille-mère célibataire (le père de l’enfant est en prison).
« Nous voulions faire un film à propos d’une mère adolescente. Nous avons rencontré Joana dans un casting qui se déroulait à Setuba, dans le quartier de Bela Vista. Elle nous est apparue comme une poupée, pâle et fragile, avec un petit noeud dans les cheveux. Petit à petit elle s’est effritée, révélant un charme complexe. Nous étions immédiatement conquis par sa dualité, entre liberté et enfermement, joie et peine, force et fragilité. Notre complicité progressive a rendu le film possible. Dans Cama de Gato, tout simplement. nous la partageons avec le reste du monde.» (Filipa Reis & João Miller Guerra)

Cerro Negro
João Salaviza (Portugal)

C’est le jour des visites et pourtant le prisonnier et sa femme n’ont rien à se dire. Les journées sont-elles toutes aussi mornes et désespérées pour le prisonnier de Cerro Negro ? Vignette naturaliste dont l’aspect le plus réjouissant est la qualité indéniable de la mise en scène.
Ce tout jeune réalisateur de 28 ans a étudié à l’Ecole de Théâtre et de Cinéma de Lisbonne puis à l’Université du Cinéma de Buenos Aires. Cerro Negro a été réalisé après Arena (Palme d’Or du Meilleur Film Court à Cannes 2009) et avant le tout nouveau Rafa (cf ci-dessous). João Salaviza a également été assistant réalisateur pour Manoel de Oliveira sur le film Singularités d’une jeune fille blonde (2009).

Guerra Civil
Pedro Caldas (Portugal)
Prix du Meilleur long métrage portugais à IndieLisboa 2010

C’est l’été 82: comme chaque année, Rui, ado introverti fan de Joy Division, passe des vacances sans surprises avec sa mère en bord de mer. Figé par l’audace de sa jolie voisine, Rui vit sa jeunesse comme une maladie. Il ne communique plus ni avec sa mère qui trompe son ennui et son mari dans les bras vigoureux d’un jeune homme, ni avec son père qui ne les rejoint que rarement. La fin de l’été approche et le temps vire à l’orage.
Très beau film tout en observation subtile et délicate de trois individus que plus rien ne relie. Guerra Civil nous renvoie à un cinéma portugais lumineux et disparu : celui de Uma Rapariga no Verão (1986) de Vitor Gonçalves, oeuvre jamais été montrée au cinéma et sur laquelle Caldas a travaillé.
Cela fait écho étrangement aux problèmes de droits que rencontre Caldas pour Guerra Civil. En effet, son film n’a malheureusement pu sortir en salle à cause d’une sombre affaire de droits sur la bande-originale du film, une situation des plus malheureuses pour un cinéaste. C’est d’autant plus dommage que Guerra Civil a fait une très belle carrière en festival. Pedro Caldas sera présent à Black Movie pour accompagner son film et rencontrer son public.

Li Ké Terra
Filipa Reis & João Miller Guerra & Nuno Baptista (Portugal)
Prix du Meilleur Documentaire Portugais à DocLisboa 2011

L’avenir de Ruben et Miguel est en suspens. Bien que nés dans la banlieue de Lisbonne, ils n’ont pas de papiers. En attendant, ils rêvent, écoutent du rap, font gaffe à ne pas attirer les condés et taquinent grand mère et petite soeur, parce qu’à dix-sept ans le monde leur appartient (ou pas).
Le trio de réalisateurs réussit une nouvelle fois une approche frontale et intime de la vie des adolescents défavorisés, auxquels ils ont consacré une série de quatre opus, dont nous présentons également Cama de Gato.
Dans ce premier film documentaire en commun du duo Reis et Miller Guerra, auquel s’est ajouté Nuno Baptista, on retrouve l’observation fine des personnages propre au travail des réalisateurs, similaire à Cama de Gato. Ici, chaque protagoniste traverse des difficultés d’insertion à la fois communes et différentes dans la vie quotidienne, mais, fiers d’être qui ils sont malgré tout, ils luttent pour leurs rêves face à un avenir incertain.
Ils posent une question récurrente dans les films que montrent Black Movie : quelle identité possible pour une personne apatride ? Mention spéciale pour quelques dialogues mémorables qui semblent quasi écrits, ainsi qu’à une bande son libératrice.
Le duo vient de terminer le documentaire Bela Vista, sélectionné à DocLisboa, et sont en postproduction d’une série pour la RTP2 intitulé Triangle, une co-production entre le Brésil et l’Angola.

O Fantasma
João Pedro Rodrigues (Portugal)

Randonnée sexuelle Sergio l’éboueur vit sa libido comme un chien en rut dans les rues de Lisbonne. Souvent à quatre pattes, reniflant les déchets fétichisés, portant masque et tenue en latex, perpétuellement en chasse, il lèche et pisse pour marquer son territoire. La virée sexuelle va devenir d’autant plus vache que Sergio tombe fou de désir pour un motard qu’il va tenter de s’approprier totalement.
O Fantasma expose en parallèle les ordures et la sexualité souterraine, et devient universel en interrogeant la fatalité de l’amour possessif. Premier long-métrage de Rodrigues, suspendu entre Louis Feuillade et ses vampires et les baraqués bien membrés de l’artiste Tom of Finland.
O Fantasma a propulsé son réalisateur sur la scène internationale, encensé par la critique et devenu un classique du cinéma gay. João Pedro Rodrigues explique que bien qu’il ait évolué sur cette question, il a toujours préféré travailler avec des acteurs non professionnels. C’est le cas avec Ricardo Meneses qui joue Sergio, héros principal et « fantôme » de latex rampant qui hante le film de ses tribulations sexuelles. Le réalisateur a passé du temps incognito à l’observer dans le bar où Meneses travaillait. Il a tout de suite su qu’il serait Sergio, et que le film ne pouvait « pas se faire sans lui ». Il a mis environ une année à trouver tous ses acteurs.
Le travail sur la lumière a été primordial pendant le tournage, avec cette idée en amont de parler du noir, non seulement en référence à l’enfermement symbolisé par le costume de latex mais aussi à la disparition progressive et, bien sûr, la nuit.
Pour le réalisateur, O Fantasma est comme un film d’aventure(s) qui devient un film fantastique, où Fransisco est une sorte de super-héros, qui du fantasme passe au fantôme (double signification du mot fantasma en portugais).

O que arde cura
João Rui Guerra da Mata (Portugal)

Pendant que Lisbonne brûle autour de lui, Francisco reçoit un coup de fil de l’homme qu’il aime encore mais ne peut plus voir. Le coeur de Francisco se consume tandis que son interlocuteur nous demeure invisible et silencieux.
Librement inspiré par La voix humaine de Cocteau, le rôle unique et principal est tenu par le compagnon et collaborateur principal du réalisateur… João Pedro Rodrigues.
Ce qui brûle guérit (O que arde cura) est le tout premier film en solo de Guerra da Mata.
Si on retrouve ici le duo des João par la présence de Rodrigues comme acteur principal, les rôles sont inversés dans la collaboration. En effet, en 1997, Guerra da Mata jouait le premier rôle dans le court métrage de son compagnon intitulé Parabéns !/ Joyeux anniversaire !
« Plus rien de sera comme avant », dit Francisco dans le film, faisant allusion tant à l’incendie qui s’est déclaré au Chiado dans la nuit du 25 Août 1988, à la situation politique du pays, mais également à la fin de sa relation amoureuse. Tout brûle.

Rafa
João Salaviza (Portugal)
Ours d’Or du Meilleur Court Métrage, Berlin 2012

Fils aîné d’une famille pauvre, Rafa part aux nouvelles après l’arrestation de sa mère. Arrivé dans le quartier touristique de la capitale lisboète, un trottoir pour seul siège, Rafa l’attend avec la patience de ceux qui ont peu à perdre. Il est déterminé à ne pas rentrer sans elle. En quelques plans coups de poing, Salaviza parvient à rendre le quotidien difficile du jeune garçon de 13 ans, remarquablement incarné par Rodrigo Perdigão.
Lorsqu’il a reçu son prestigieux prix à Berlin (il recevait également la Palme d’Or dans la même catégorie à Cannes en 2009 pour son film Arena), João Salaviza a prononcé un discours/appel au gouvernement portugais: « Je vous dédierais aussi ce prix si vous nous aidez au cours de cette année, parce que nous ne savons pas ce qu’il va advenir de notre cinéma. Ceci est donc une offre…conditionnelle ».
Rafa est son sixième court métrage. Salaviza prépare actuellement son premier long métrage.

Tabu
de Miguel Gomes (Portugal)
Prix Alfred Bauer, Berlinale 2012

Aurora est une vieille dame acariâtre qui dilapide l’argent qu’elle n’a plus au casino. Seules sa bonne d’origine angolaise et sa gentille voisine ont la patience de s’occuper d’elle. A sa mort, les deux femmes découvrent le passé de la vieille dame marqué par une merveilleuse tragédie sentimentale au coeur de l’Afrique colonisée d’alors.
Construit comme un envoûtement, Tabu offre un récit mutant qui passe avec une grâce surprenante d’une première partie réaliste et contemporaine, à un deuxième volet onirique et nostalgique. Convoquant à la fois Tintin, la Dame aux Camélias et la pop surf, Tabu imprègne nos rétines durablement.
Dans ce troisième film, extrêmement référencé, Miguel Gomes revendique l’influence de Friedrich Wilhelm Murnau, notamment pour le titre du film, qui s’inspire du long métrage Tabou réalisé en 1931 par le cinéaste allemand. L’imaginaire colonial est particulièrement évident dans l’intriguant prologue du film. Le découpage et le titre des différents chapitre du film est analogue mais inversé par rapport à la version de Murnau. On retrouve ce type de découpages chez des réalisateurs auxquels on compare souvent ce nouvel opus de Gomes, comme Werner Herzog, Todd Solondz ou encore Apichatpong Weerasethakul, chez qui la passion se « love dans des fantasmes sauvages, dans une jungle de souvenirs limpides. » Dans ce Tabou libre et singulier du réalisateur portugais, on passe d’un enchantement cinématographique à un autre, du Paradis perdu au Paradis.
« On ne peut pas, aujourd’hui, refaire ou copier le passé, l’Amérique, Hollywood, mais on peut établir un dialogue avec ce qui a disparu. Revenir sur quelque chose que le cinéma a un peu perdu, peut-être son paradis, cette sorte d’innocence, de croyance que le spectateur avait dans le premier âge du cinéma. Je pense qu’au cinéma, aujourd’hui, il manque de cette croyance, de cette jeunesse.
Notre époque porte la mémoire de tous ces fantômes du passés, et nous en avons besoin, d’une façon très émotionnelle. Il faut faire du cinéma contemporain tout en essayant de faire venir ces fantômes de la jeunesse du cinéma.
» (Entretien avec Miguel Gomes, par Jean-Philippe Tessé, Cahiers du Cinéma décembre 2012)

BONS BAISERS DE RUSSIE

 

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A SUIVRE : LE RETOUR

 

LE PETIT BLACK MOVIE

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